Maintenant, tout le monde ou presque en a entendu parler : du 30 novembre au 11 décembre 2015, Paris accueillera la 21 conférence de l'ONU sur le climat (alias COP21). Mais quels sont les objectifs de ces négociations ?
[Mise à jour] Pour savoir où nous en sommes après la COP21, vous pouvez désormais consulter mon étude de l'Accord de Paris et de ses implications technologiques et économiques
Un accord et des financements...
Contrairement à ce qu'on pourrait croire, il n'y a pas beaucoup d'incertitude sur le contenu des discussions : négociateurs et diplomates préparent la COP21 depuis des mois voire des années, et il est peu probable que les dirigeants de la planètes s'entendent en quelques jours sur quelque chose de révolutionnaire...
En fait les objectifs de la conférence de Paris ont été définis par l'accord de Copenhague (en 2009) et le mandat de Durban (en 2011).
L'accord de Copenhague fixe les directions à long-terme :
- D'une part réduire, les émissions de gaz à effet de serre de façon à limiter la hausse de la température moyenne de la planète à 2°C par rapport à l'ère pré-industrielle.
- D'autre part, limiter les conséquences du réchauffement climatique en finançant l'adaptation des pays pauvres à hauteur de 100 milliards de dollars par an à partir de 2020 (le fameux "Fond Vert").
- Il devra être juridiquement contraignant, c'est-à-dire s'imposer aux pays qui le ratifieront et ne pas se limiter à un simple engagement politique.
- Il devra aussi être universel : tous les pays devront participer aux efforts de réduction des émissions alors que dans le protocole de Kyoto seuls les pays industrialisés étaient concernés.
Comprendre les résultats de la COP21 (cliquez pour agrandir) |
Mais surtout : changer le logiciel des négociations internationales sur le climat
Ces objectifs semblent assez difficiles à atteindre et même si un accord était trouvé à Paris, il est peu probable qu'il puisse être ratifié par les États-Unis. Ça tombe bien : le plus important n'est peut-être pas là...
Plus qu'un accord, ce qui compte lors de la conférence de Paris, c'est de tirer les leçons de 20 ans d'échec et de donner un nouveau départ à l'action de la communauté internationale sur le climat. Depuis la signature de la convention-cadre sur le changement climatique à Rio en 1992 et le protocole de Kyoto en 1997, les négociations se sont systématiquement enlisées. Bien sur, la mauvaises volonté de certains acteurs n'a pas aidé, mais c'est aussi parce que ces discussions reposaient sur de mauvaises bases.
Parmi les mécanismes qui ont sans doute contribué à ces échecs, on peut citer :
- Le principe de "responsabilité commune mais différenciée". Ce principe est en apparence tout-à-fait moral : puisque les pays riches ont plus contribué au problème, ils faut qu'ils fassent plus d'efforts pour trouver une solution. Mais tel qu'il est traduit dans le protocole de Kyoto (où seuls les pays développés ont des obligations de réduction des émissions), il condamne la communauté internationale à l'échec en rendant tout accord conclu sur cette base inacceptable pour la première puissance économique de la planète (voir la résolution Byrd-Hagel) et en exonérant la deuxième de toute obligation...
- L'approche par objectif top-down. Le déroulement théorique des négociations sur le climat est simple : d'abord, avec l'aide des scientifiques, on définit un niveau d'émission maximal ensuite on négocie sa répartition entre pays. Ces discussions sont forcément délicates puisqu'il s'agit de s'engager sur un résultat sans connaître précisément ce que cela va coûter... D'autres méthodes pourraient tout-à-fait être envisagées, par exemple une approche bottom-up (où on consolide les engagements de chaque Etat) ou une approche par les moyens (où les pays s'engagent sur des politiques plutôt que sur des objectifs d'émission).
- Les interactions entre négociateurs et politiques. Les COP suivent un scénario bien rodé : 1) les négociateurs s'en donnent à coeur joie et rédigent un projet d'accord de 150 pages dans lequel rien n'est validé, 2) la deuxième semaine, les ministres arrivent, ils ont été briefés dans l'avion et ne savent pratiquement pas ce qu'il s'est passé jusque là, typiquement ils vont repartir de zéro et laisser les négociations s'enliser sur des points de forme, 3) lorsque l'impasse se précise, on fait appel aux chefs d'Etats (qui n'ont pas suivi les étapes précédentes) pour une ultime tentative d'arbitrage alors que la conférence est déjà officiellement terminée. Ce fonctionnement a montré plusieurs fois à quel point il est inefficace, il serait beaucoup plus avisé de commencer par obtenir un accord entre politiques puis de laisser les négociateurs s'entendre sur les points techniques.
A la fois le secrétariat de l'UNFCCC et la présidence française de la COP21 semblent avoir pris conscience de ces problèmes. De multiples innovations ont déjà été proposées ou mises en oeuvre pour les corriger, comme les INDC, l'agenda des solutions ou la proposition de faire venir les chefs d'Etats au début de la conférence. Il me semble que ces sujets, même si ils peuvent passer inaperçus, sont plus important que le nombre de millions de tonnes de CO2 ou de milliards de dollars de financement qui seront annoncés à la fin de la COP21. Même si elle n'atteignait ses objectifs "officiels", la conférence de Paris pourrait être considérée comme un succès si elle parvenait à définir des règles permettant de reprendre des négociations climatiques sur une base saine.
Publié le 20 août 2015 par Thibault Laconde
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