Vous ne vous en êtes peut-être pas aperçu, mais hier a été une rude journée dans le petit monde du climat. Figurez-vous que
INDC ? Mais oui, vous savez les CPDN...
INDC est l'acronyme anglais pour "Intended nationally determined contribution" ou en français : Contribution prévue déterminée au niveau national (CPDN).
Il s'agit d'une procédure destinée à préparer la conférence de Paris : chaque pays est invité à publier les engagements qu'il pourrait prendre dans le cadre d'un nouvel accord sur le climat.
Cette procédure a plusieurs mérites : elle permet a chaque pays de prendre le temps de la réflexion et de proposer une contribution qui correspond à ses moyens sans avoir l'impression de se faire tordre le bras dans une COP. Elle évite aussi les jugements à l'emporte-pièce en laissant le temps aux experts et à la société civile d'évaluer et de consolider toutes les propositions.
Enfin, et surtout, elle permet de sortir en douceur des mécanismes qui ont conduit à l'échec du Protocole de Kyoto : une approche top-down (on décide combien on peut émettre puis on répartit par pays) en réalité impraticable et une interprétation beaucoup trop radicale du "principe de responsabilité commune mais différenciée" (dans laquelle les pays en développement -dits non-annexe I- n'avaient aucune obligation).
Des soumissions poussives qui s'affolent brusquement...
La soumission a été ouverte au printemps. L'Union Européenne, éternelle bonne élève, a rendu sa copie le 6 mars, suivie des États-Unis (le 31) et un peu plus tard de la Chine (le 30 juin). Mais depuis le processus semblait s'enliser : même si la plupart des poids lourds avait soumis leur contribution avant l'été, à 3 mois de la COP21 seuls une cinquantaine de pays s'étaient engagés.
Or il ne suffit pas que les gros émetteurs s'engagent : en vertu du sacro-saint principe d'égalité souveraine des États, il ne peut y avoir d'accord à Paris qu'à l'unanimité... Par ailleurs, plus il y a de pays qui s'engagent, plus la pression est forte sur ceux qui hésitent.
A l'approche de l'Assemblée Générale de l'ONU, le processus s'est brusquement accéléré la semaine dernière avec 18 nouvelles soumissions dont l'Indonésie et de l'Afrique du Sud. Il frôle l'emballement aujourd'hui avec (à l'heure où j'écris) 13 nouvelles INDC dont celle très attendue (et plutôt encourageante) du Brésil.
Au dernier comptage (lundi 28 à minuit) 93 pays avaient joué le jeu, soit presque la moitié des parties à la Convention-Climat.
Les points clés de quelques-unes des INDC soumises hier |
(Vous pouvez retrouver les points-clés des principales INDC au fur et à mesure qu'elles sont publiées via mon compte twitter)
Que va-t-il se passer maintenant ?
Lorsqu'une nouvelle INDC est publié des ONG comme le World Ressource Institute, ou en France le RAC-F, se jettent dessus. Parions qu'elles n'ont pas chômé hier...
Leur objectif est d'une part d'évaluer le niveau d'ambition de la proposition : le pays prend-il de nouveaux engagements ? Quels sont les moyens et les politiques envisagés ? Demande-t-il des aides pour réduire ses émissions ? En profite-t-il pour faire passer un message sur sa position dans les négociations ? Etc.
L'autre objectif est de consolider les émissions de gaz à effet de serre prévues pour 2030 afin de voir si elles sont compatibles avec l'objectif officiel de la communauté internationale, à savoir un réchauffement de la planète limité à 2°C par rapport à l'époque pré-industrielle.
L'attention va aussi se tourner de plus en plus vers les pays qui n'ont pas soumis leurs INDC. En particulier, l'absence des pays de l'OPEP commence à se voir : seule l'Algérie a remis sa proposition. On veut bien excuser la Lybie et l'Irak mais l'Arabie Saoudite, l'Iran, le Venezuela, le Nigeria, le Koweit, le Quatar, etc. manquent aussi à l'appel.
Autre point noir : l'Inde, le troisième émetteur mondial, enfermé dans sa rhétorique du droit au développement qui divise au sein même du G77 depuis Durban, va-t-il refuser de collaborer ?
A deux mois du début de la Conférence de Paris, la multiplication des INDC est sans aucun doute un signe positif. Mais on voit aussi se dessiner de plus en plus clairement en creux les obstacles et les réfractaires à un accord ambitieux lors de la COP21. Il reste du travail...
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